art martial ou art tout simple ?
L’une des questions qui revient régulièrement lorsqu’on pratique l’aïkido est celle de l’efficacité de la pratique. Qui n’a pas entendu : »ah tu pratiques l’aïkido, oui c’est joli, mais moi je préfères les arts martiaux, je fais de la boxe thaï ou du kravmaga… »
« L’aïkido ? C’est un peu ridicule, mais ça peut plaire à certains »
« Ah oui l’aïkido, c’est le truc avec la jupe ?… »
Comment dire ?… Avant de sombrer dans le désespoir absolu et d’être à cours d’arguments, analysons la situation :
L’origine de l’art
D’abord l’aïkido, a été fondé par le maitre Morihei Ueshiba. Grand guerrier s’il en est. Un homme qui a connu des périodes difficiles, a traversé plusieurs guerres, a été soldat, et probablement un combattant efficace, prisonnier de guerre, expert à la baïonnette (le couteau au bout des fusil qui tue des gens sur les champs de bataille…), leader d’un groupe de colons dans une zone perdue du japon, …
Par la suite, vers ses 80 ans, on a souvent représenté cette homme par sa barbe blanche et sa spiritualité, par des mouvements sur des adversaires qui tombaient sans être touchés, et par des démonstrations très douteuses sur leur efficacité. Et malheureusement ce qui est resté du grand guerrier qu’il était, ce sont ces images. Fini donc le combattant, l’artiste martial, l’expert reconnu qui a appris du guerrier Takeda Sōkaku, développa l’Aïkijutsu dont le but était de briser des os, casser des clavicules, ou tuer son adversaire. Fini celui qui fonda l’aïkibudo (BU étant la particule qui se traduit par « combat »). Le monde entier a retenu « l’art de la paix », l’art de l’amour, le non-combat. Lui-même a renommé son art « aïkido » ignorant cette particule guerrière. Certains disent parce qu’il a vu la lumière, d’autres pour lui permettre de pouvoir continuer à enseigner et pratiquer dans une société japonaise dévastée…
Finalement l’aïkido qui est resté, est celui d’un homme de 80 ans, fatigué d’un monde fait de guerre et de souffrances, désireux de voir la paix, et empreint d’une spiritualité naturelle … Comment lui en vouloir ? Après une telle vie, qui n’aspirerait pas à une humanité de paix et d’amour ?
Cependant, la vrai force de l’aïkido est bien son origine martiale. La recherche de l’efficacité avant la beauté, la suppression d’un conflit par le combat et non l’amour. Et encore l’amour aussi peut avoir une définition bien différente de celle que nous connaissons pour un vieux maitre comme Morihei Ueshiba…
Mais aujourd’hui, qui peut croire en l’efficacité de l’aïkido ? A part ceux qui pratiquent avec énergie, sans se limiter à répéter des gestes mécaniquement.
D’abord que signifie « être efficace » ?
Sans entrer dans des débats philosophiques, l’efficacité se traduit simplement par la capacité d’un pratiquant à appliquer ses techniques dans une situation réelle. Soit, se défendre ou défendre d’autres personnes dans la rue, sans être blessé… C’est déjà là un énorme challenge. Surtout de nos jours face à bandes organisées, adeptes de la bagarre de rue et qui ne reculent devant aucune violence.
Mais être efficace c’est aussi éviter la bagarre en restant maitre de ses émotions ou en les utilisant pour être éveillé et conscient du danger.
Il faut savoir que de manière majoritaire, ce n’est pas la discipline qui est efficace, mais le pratiquant. Une personne qui ne possède aucune agressivité a beau s’entrainer au Penshak Silat ou au Kravmaga, il lui faudra des années pour acquérir un minimum d’efficacité au combat.
L’efficacité n’est pas l’œuvre d’un art martial mais d’un homme. On peut être efficace en situation réelle en pratiquant l’aïkido et complètement nul dans la rue en pratiquant le kravmaga… Cela dépend de sa volonté, de son agressivité naturelle et de son désir d’atteindre son but, sans penser aux conséquences…
De la même manière un bagarreur de rue, n’aura aucun besoin de pratiquer un art martial pour affronter un ou plusieurs adversaire dans la rue. Tout simplement parce que c’est son univers, et qu’il ne reculera devant aucune forme de violence pour gagner un combat.
A titre d’exemple, nous vous ramenons à la pratique du maître Tadashi Abe (1926 – 1984), l’un des premiers maîtres à importer l’aïkido en France. Ancien officier de marine dans l’armée japonaise, membre du groupe d’élite des kamikaze. Son Aïkido est considéré comme dur aujourd’hui par certaines écoles car il pratiquait les Atemis et n’hésitait pas à tester ses techniques dans des combats réels (les anciens de l’époque ont été souvent les témoins de cette époque et de ses sorties dans les bas-fonds marseillais ou parisiens…).
Alors quel intérêt de pratiquer si ça ne nous rend pas efficaces ?
Comme nous le disions, l’efficacité a plusieurs niveaux. Il faudrait s’entrainer 8 heures par jour, comme les professionnels de la guerre ou de la sécurité, pour devenir une « arme ». Ce n’est pas avec nos 3 à 6h de cours hebdomadaires que nous deviendrons des machines de guerre. Il faut l’accepter. Cependant, une pratique régulière et engagée, permettra d’acquérir des réflexes, devenir attentif aux situations d’affrontement, et pourquoi pas éviter une zone de danger ou en écarter une victime potentielle. Mais pour ça il est important de s’entrainer avec le maximum de réalisme et d’énergie. Ne pas limiter sa pratique à la répétition de gestes, mais changer complètement son entrainement pour tout donner à chaque instant.
Et lorsque que le conflit arrive, il faut accepter de sortir du cadre de l’entrainement et de voir l’objectif en fonction de la situation. Dès lors il faudra se lancer dans le combat sans retenue, sans règle en accord parfait avec la situation. Tout en respectant la légitime défense et la proportionnalité de la riposte. Mais pour cela il faut accepter de sortir de ce schéma classique du pratiquant qui va chercher à placer un irimi nage ou un sankyo… Cette situation nous ne la souhaitons pas. Mais elle peut malheureusement arriver. La force de l’aïkidoka est de ne pas souhaiter la violence mais d’être prêt à l’affronter si elle se présente….
Exemples de comparaisons diffusées sur le web
On trouve sur le web une multitude de confrontations sous forme de démonstrations ou de combats organisés, entre l’aïkido et d’autres sports. Du genre « quel est le plus fort », dont le but est souvent de prouver que l’aïkido est ridicule dans la réalité de l’affrontement. Mais les confrontations sont-elles réalisés dans des règles de combats réel ? L’aïkido n’est, pour sûr, pas un sport, il n’y a pas de compétitions, et donc pas de règles. Les confrontations vues sur le web montrent généralement des champions de MMA ou kravmaga qui appliquent leur techniques sans retenue, face à des experts d’aïkido qui essayent d’appliquer bêtement des techniques apprises au club… Mais l’aïkido ce n’est pas que cela. Un véritable affrontement dans la rue a souvent une issue différente. Lorsque sa vie est en danger, un aïkidoka, va d’abord faire ce qu’il ne fait pas généralement au club, il va attaquer. Il va donner des coups de pieds, de poings, griffer, donner un coup dans le genou, mettre les doigts dans les yeux, mordre, avant de bloquer son adversaire avec … un nikkyo. Moralité, l’aïkido ne se démontre pas sur un ring.
Nous ne dirons pas qu’il est bien de détruire un adversaire, mais que si on s’engage dans un combat pour protéger sa vie ou celle des siens, il ne faut plus se poser de questions. L’aïkido vous donnera des réflexes, un déplacement un œil aiguisé, et dans certains cas une technique de contrôle ou de projection. Mais on ne regarde pas cet art par morceaux mais dans sa globalité. Soit des techniques, des déplacements, des atémis et une attitude au quotidien …
En conclusion, n’oublions pas notre origine martiale, mais ne nous limitons à la pratique de techniques sans saveur. Il faut aussi élargir sa vision du combat afin d’adopter la bonne réaction. Acceptons d’intégrer les frappes, saisies et points vitaux (rappelons que Tadashi Abe était maitre en Judo, Karaté, Kendo et Aïkido). Nous avons la chance de pratiquer une discipline sans compétition, donc sans règle… A nous de créer notre efficacité par une pratique réaliste.